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son, de les battre l’un contre l’autre comme des cymbales et d’en tirer, en plus de la musique, quelque chose de vague et de mystérieux qui donne l’illusion d’une pensée. Que dit Verlaine de la rime ? Il la méprise. Il jette par la fenêtre « ce bijou d’un sou ».

Victor Hugo procède par de longues antithèses qui n’ont de valeur que maniées par lui, que revêtues de la magnifique parure verbale qu’il est capable de créer, qui ne sont supportables que grâce à son habileté extrême à filer les phrases et les raisonnements. Verlaine encore dédaigne cela ; à ces couleurs crues qui se coupent brutalement, il oppose la nuance : « Nous voulons la nuance encore ; pas la couleur, rien que la nuance. »

Après s’être posé ainsi, devant Victor Hugo lui-même, en chef d’une école nouvelle, pouvait-il vraiment l’admirer sans restrictions ? Cela eût été absurde ou hypocrite.

Voici donc ce que dit Verlaine : « Les Orientales me plurent à quinze ans (j’y voyais des odalisques), et me plaisent encore, comme beau travail de bimbeloterie « artistique », comme article de Paris pour la rue de Rivoli… » La partie de l’œuvre de Victor Hugo qui lui semble la meilleure et la plus