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RENAN ET L’IDÉE SCIENTIFIQUE


M. Brunelière vient de publier dans un grand journal de province, l’Ouest-Éclair, fort répandu par toute la Bretagne, une suite d’articles très intéressants sur Renan. Mais intéressants bien moins par le jugement qu’ils portent sur Renan que par celui qu’ils nous inclinent à porter sur M. Brunelière. Comme je l’ai déjà expliqué plusieurs fois, contre l’opinion commune, la critique est peut-être le plus subjectif de tous les genres littéraires ; c’est une confession perpétuelle ; en croyant analyser les œuvres d’autrui, c’est soi-même que l’on dévoile et que l’on expose au public. Cette nécessité explique fort bien pourquoi la critique est en général si médiocre et pourquoi elle réussit si rarement à retenir notre attention, même quand elle traite des questions qui nous passionnent le plus. Pour être un bon critique, en effet, il faut avoir une forte personnalité ; il faut s’imposer, et compter pour