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une crise de mysticisme ; mais il en était guéri. Il voulut à son tour guérir son amie : « Je vois avec peine, lui écrit-il, que vous lisez des mystiques. Croyez-moi, cette lecture est fatale aux âmes constituées comme la vôtre. C’est du poison, c’est un enivrant narcotique. Ces livres ont une mauvaise infiuence. Il y a les folies de la vertu, comme les folies de la dissipation… Je vous adresse à ce sujet une humble prière. Ne lisez rien de ce genre. J’y ai passé, j’en ai l’expérience. » Malgré ces objurgations, Mme Hanska continua ses mauvaises lectures. C’était d’ailleurs une tête faible et sans volonté. À leur première entrevue, qui eut lieu à Neufchâtel, Balzac la conquit facilement par son éloquence passionnée. Dès ce moment, ils se lient l’un à l’autre. Mais il y a un obstacle, et le plus grave des obstacles : un mari. Ces amours, comme, décidément, presque tous les amours de Balzac, vont donc, en grande partie, se pai>ser en correspondance, car Mme Hanska retourne en Russie et Balzac est rappelé à Paris par ses affaires et par ses travaux.

Pendant treize ans, ils se virent fort peu. Ils s’écrivaient. Mais la correspondance, d’abord fort active et très régulière, avait fini par languir, lors-