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mort fut une perte immense pour Balzac ; il ne la remplaça jamais.

Les deux femmes que l’on voit ensuite mêlées successivement à sa vie, la marquise de Castries et Mme Hanska, n’eurent pas une influence heureuse sur la destinée de Balzac. Après l’avoir conquis par l’aveu d’une admiration, peut-être feinte, Mme de Castries se fatigua assez vite d’un homme dont le caractère trop original et trop indépendant se pliait mal à ses caprices. Elle se montra méchante, cruelle même ; elle alla jusqu’à chercher à le ridiculiser publiquement. Ils n’étaient pas encore tout à fait brouillés, quand Balzac reçut du fond de la Russie une lettre signée de ces mots énigmatiques : « L’Étrangère. » Mme Hanska entrait dans sa vie.

C’était en 1832. Leurs relations durèrent donc dix-huit ans, avant d’aboutir au tardif mariage que devait suivre de si près la mort de Balzac. Mme Hanska ne semble avoir jamais rien compris ni à l’homme qu’elle croyait aimer, ni au romancier qu’elle croyait admirer. Elle avait des tendances mystiques, des idées singulières, acquises sans doute sous l’inlîuence de Mme Swetchine, cette autre Russe qui joua un rôle si étonnant au commencement du siècle dernier. Balzac, lui aussi, avait subi