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Ménard[1], qui se vantait de croire aux dieux d’Athènes, qui leur faisait dans sa chambre des libations et des sacrilices. Voici cet Alexandre Weil, qui faisait le fou pour cacher un jeu des plus pratiques. Il s’était converti, dans sa jeunesse, sous les auspices de l’abbé de Genoude, puis était retourné au judaïsme. On dit que c’est lui qui, avec Gérard de Nerval, aida Henri Heine à mettre en français son livre Lutèce, paru d’abord en feuilletons dans la Gazette d’Augsbourg. Mais Weil, israélite alsacien, écrivait un français bizarre, et c’est plutôt la langue de Nerval qu’on retrouve dans Lutèce ? A force de faire le fou, Weil l’était-il devenu réellement ? Après avoir couvert Victor Hugo d’injures incohérentes, il parle de lui en termes affectueux dans ses mémoires. C’est plutôt l’intérêt que le détraquement qui semble avoir guidé ses revirements. Sa femme, modiste de la cour, lui avait gagné vingt-cinq mille francs de rente ; aussi fut-il fervent bonapartiste, tant que l’empire dura. Après Sedan, il se répandit en imprécations. Weil est mort très âgé, cherchant toujours à faire parler de lui, amoncelant les bro-

  1. Son nom n’est pas écrit, mais il est très reconnaissable.