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des cigarettes. Brouillé avec sa famille, qui déplorait d’avoir produit un poète, quand elle comptait sur un officier de marine, il vivait très pauvrement. Son seul luxe était de se faire raser barbe et cheveux plusieurs fois par jour : la barbe, pour ressembler à Horace, les cheveux par crainte de les perdre. Il était parfois si démuni qu’il ramassait des feuilles d’arbre pour les faire sécher et en façonner d’exécrable tabac. Sa mère, cependant, lui envoyait en cachette tout l’argent qu’elle pouvait. Il finit par hériter, et il est mort riche. Une seule chose l’intéressait : la poésie. « Pourquoi je vis ? disait-il. Je vis pour le laurier. » Le laurier vint aussi, plus tard.

Comment choisir dans ce livre si plein et où chaque page contient sa curiosité ? Voici des anecdotes sur Victor Hugo, sur Lamartine, sur George Sand, sur toutes les célébrités et les demi-célébrités du dixneuvième siècle. Voici Jules de la Madeleine qui, après avoir longuement adhéré au panthéisme de Pierre Leroux, après avoir écrit des romans passionnés, était tombé dans un christianisme sombre. Il ne parlait pas dix minutes sans proférer gravement : Ego christianus sum. Il s’entretenait surtout de l’enfer et du jugement dernier. Voici Louis