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d’Églantine, cette romance s’appelle l’Hospitalité. Elle est datée de Maëstricht, année 1780, et se compose de six strophes. Le poète lui donna une suite à Genève, en 1783 ; elle est très médiocre. L’année précédente, il avait écrit, sur l’air « Dieud’amour » des Mariages Samnites, une Romance à ma femme et à mon fils, également assez mauvaise, mais dont le souvenir devait être doux à Mme Fabre d’Églantine. Les femmes oublient plus facilement les hommes qu’elles ont aimés que les vers d’amour qu’on a faits pour elles.

Revenu à Paris, Fabre d’Églantine, lassé de jouer les comédies des autres, voulut devenir poète dramatique, et il réussit presque du premier coup. Moins connue, assurément, qu’Il pleut, il pleut, bergère, son ingénieuse comédie, Philinte ou la suite du Misanthrope, conserve encore l’estime des rares critiques qui l’ont lue. C’est une pièce morale, surtout de morale politique. « Philinte, dit M. Aulard, c’est l’aristocrate déguisé, doucereux et perfide ; Alceste, c’est le patriote vertueux, le citoyen sensible. » Mais, ce que ne dit pas M. Aulard, c’est que ce pauvre Fabre d’Églantine devait être voué à la mort la plus injuste, par ces mômes « patriotes vertueux », ces mêmes « citoyens sensibles ».