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gence, une masse bien supérieure à ce qu’elle serait, si l’on pouvait, vingt ans plus tard, réunir ces enfants à l’état d’hommes. Quel sera, parmi tous ces égaux, celui qui les fera oublier tous ? Il faudrait interroger de vieux professeurs. Presque tous avoueraient que, s’ils ont porté des pronostics, ils se sont trompés fréquemment.

Les deux rivaux de Renan, au petit collège de Tréguier, sont morts jeunes, tous deux prêtres. Seraient-ils devenus des rivaux de Renan dans la vie : c’est peu probable. Enfants exceptionnels, ils n’auraient sans doute été que des hommes fort obscurs. Au collège Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, le jeune Renan parut beaucoup moins brillant qu’à Tréguier. Ses notes d’histoire, la première année, portent ceci : « Bien ; un peu lent à se mettre au courant. » Personne, à ce moment-là, ne songea sans doute que cet enfant, lent à se mettre au courant de l’histoire, allait, quinze ans plus tard, révolutionner un des chapitres les plus importants de l’histoire de l’humanité. Ce n’est que plus tard, au séminaire de Saint-Sulpice, que le jeune Renan commença de montrer quelques-unes des parties supérieures de son intelligence. Jusque-là, il avait été le très bon élève, celui qui donne des espéran-