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intelligence ; croyant tuer la force, il poignarda le dédain.

« Elle ne rit presque jamais, — jamais quand elle vit sa propre et véritable vie ; mais quand la vie vulgaire de tout le monde, ce que nous appelons la réalité, vient heurter le flux de son intérieure existence, quand les relations d’hommes l’atteignent et la frôlent, alors elle rit, en roucoulant doucement et convulsivement, jusqu’aux larmes, comme si quelque chose de très comique et douloureux à la fois la frappait ; alors aussi une onde de sang rouge lui monte du cœur aux tempes, jusqu’à la racine des cheveux, et voile sa face de la pourpre de son intime royauté, comme pour la protéger contre une injure du dehors[1]. »

En termes plus simples, elle ne pouvait regarder la vie sans un rire de pitié. Les grands dédaigneux sont portés au rire ; c’est chez eux une attitude de défense. Mais ce qui affirme davantage encore le dédain chez Élisabeth de Bavière, c’est son exil volontaire de la cour, le choix de ses amitiés ou de ses caprices, la licence royale qu’elle donna au développement de ses goûts particuliers, son

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