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s’épanche jamais en effusions lyriques. Il est là, partout présent, mais derrière une tapisserie.

Le premier volume des Souvenirs nous contait l’enfance de Judith Gautier. L’auteur s’y complaisait un peu à considérer la petite fille qu’elle fut ; ces choses d’enfance sont plus amusantes pour qui les rédige que pour qui les lit. S’agit-il d’une fillette, on a hâte qu’elle devienne une jeune fille, une femme : alors la sympathie s’éveille et on assiste avec bonheur au développement de son intelligence, de sa grâce. Mme Judith Gautier était prodigue de détails sur la petite fille ; elle en devient très avare, quand la jeune fille entre en scène. Ah ! elle n’est pas de celles qui aiment à faire confidence de leurs émois ! Que nous sommes loin de George Sand, et que cela est heureux, et que cela fait plaisir !

Théophile Gautier, l’auteur de Mademoiselle de Maupin, n’a jamais passé pour un homme de mœurs, et surtout de principes très rigides. Il fut cependant un père excellent et un parfait éducateur. Il éleva ses deux filles en liberté, mais avec tant d’adroite bonhomie qu’elles n’eurent jamais l’idée d’en abuser. La morale qu’il leur faisait était simple : il les engageait à ne jamais rester oisives, à se livrer à n’importe quel travail, la cuisine ou