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de sa langue. Elle se promène à l’aise parmi ces hiéroglyphes effarants ; si elle emporte en voyage les œuvres de quelque poète favori, ce sont celles de Ly-y-Hane ou de Li-Taï-Pé, imprimées sur papier d’écorce de mûrier. La Chine fait ses délices.

Mais elle aime aussi le Japon dont elle connaît l’histoire et les lettres à rendre jaloux les plus doctes. Un de ses romans, Princesses d’amour, nous raconte quelques-unes des péripéties de la grande transformation que le Japon s’imposa, il y a une trentaine d’années ; dans les Poèmes de la Libellule, elle a donné une délicieuse anthologie de la poésie japonaise. Iskender, enfin, nous révèle la Perse et un autre livre, l’Égypte ancienne. Bien des écrivains sans doute ont écrit des romans exotiques, et même chinois ou persans ; mais bien peu d’entre eux ont eu la conscience de passer des années à apprendre les langues difficiles des lointains pays dont ils voulaient parler. Ils se sont contentés de s’instruire de seconde main en des manuels, en des encyclopédies, en des récits de voyages. Judith Gautier, au contraire, commence par se familiariser avec le langage de la contrée où elle veut nous entraîner à sa suite ; c’est dans les auteurs du pays