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tionnaire, quand il s’agit de l’intelligence, c’est décroître, car, à mesure que s’accumulent les années, le monde extérieur projette sur elles une ombre de plus en plus épaisse.

Une preuve plus directe, plus universelle et plus vérifiable de la supériorité intellectuelle des enfants, c’est leur extraordinaire capacité de connaissance. S’il fallait apprendre à quarante ans le quart de ce que l’on enseigne avec fruit à un gamin de douze ans, combien d’hommes y résisteraient ? Les notions les plus disparates, l’histoire et l’algèbre, la grammaire et la géographie entrent facilement dans cette petite tête saine et avide. Le désintéressement est immense : l’enfant apprend sans but, pour le seul plaisir, satisfait d’exercer son cerveau aussi bien que ses muscles. On voit la même chose, en des proportions infimes, chez les animaux. Les jeunes chiens, les jeunes chats semblent parfois vraiment intelligents ; c’est le moment de les dresser, et ils se laissent faire, à moins que, s’ils sont par trop jeunes, l’instinct du jeu ne prenne le dessus. Ces mêmes bêtes, à mesure qu’elles grandissent, perdent de leur vivacité ; la nature les amène très vile au sentiment de leur véritable devoir, qui est de laisser une postérité. Le jeu devient pour eux excep-