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ment des herbes, et quand il revient sourdre à la surface, il a changé d’allure ; il se tait, il se dérobe, il rêve. Jean Dolent ne finit pas toujours ses phrases ; non par paresse, ni par distraction, mais par principe. De même que le confortable, l’affirmation lui fait horreur. Écoutons-le :

« L’indéterminé des formes est un moven d’exprimer les mystères de l’Être. —

Être indécis absolument… —

J’ai pris le dédain des choses circonscrites. —

Dire les choses sans faire peiner les mots. »

Un tel esprit ne peut jamais être satisfait de soi-même, car si peu que l’on appuie, il faut appuyer assez pour que le dessin marque sur le papier. Alors il rêve d’un livre où tout serait en demi-teintes, où rien ne serait dit, où tout serait insinué, un livre où la pensée ne trahirait sa présence que par une odeur : « Écrire ! À l’exemple de ce mahométan qui construisait une mosquée et mêlait du musc au ciment, afin qu’elle fût entièrement parfumée. » Comme tous les songeurs, ce livre idéal, il le fera — demain : « Le livre que j’écris m’inquiète, le livre que j’écrirai me rassure. »

Ce moment de repos lui permet de profiter de son expérience pour donner aux artistes quelques con-