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LES PENSÉES DE JEAN DOLENT[1]


Jean Dolent est un écrivain qui n’est plus jeune, qui a écrit une douzaine de livres, gros ou petits, plutôt petits, qui a beaucoup d’esprit, un sens vif de l’art, une intelligence originale, qui vit fort retiré, qui est à la fois très connu et tout à fait inconnu, — un de ceux-là qui prêtent à l’anecdote plus qu’au portrait, à la causerie plus qu’à l’étude.

Il demeure à Paris dans un faubourg ouvrier, mais parmi des arbres et des choses d’art. Ce qu’il déteste surtout c’est le confortable ; son verre, qui n’est pas grand, pas guère plus grand qu’un dé, est un dé d’argent ciselé, niellé et guilloché ; il y boit du vin parfumé et pétillant, et ne le changerait pas pour un de ces grands verres montés sur échasses où les bourgeois raisonnables noient leur

  1. Jean Dolent, Façons d’exprimer. Paris, à la Maison des poètes, 1900.