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« Les marionnettes optimistes, dit M. Thiaudière, dans son dernier recueil, sont celles qui ne s’aperçoivent pas que leur trémoussement est ridicule. » Précisément. On devient ce que l’on croit être, et le meilleur moyen d’être malheureux est de se donner l’illusion du malheur. Se trouver ridicule, c’est vouloir être ridicule ; c’est se mépriser soi-même. Les marionnettes optimistes peuvent nous faire rire ; l’important, pour elles, est de ne pas rire d’elles-mêmes. Nouveau trait du pessimiste : la défiance de soi-môtne.

Il n’y a pas, cependant, que des choses dures dans les pensées de M. Thiaudière ; il y a des choses fines, et qui, tout en inclinant vers la tristesse, restent fines : « Il est bien rare que deux esprits ou deux cœurs se touchent sans que l’un au moins des deux éprouve un froissement » ; ou encore, dans un autre ton : « On porte avec aisance sa propre vanité, mais celle d’autrui semble bien lourde » ; et ceci : « Les deux choses les plus nécessaires à l’homme, l’une très commune, l’autre très rare, sont le pain et la sagesse ».

Ces réflexions sont tirées du dernier recueil, la Haine du Vice ; c’est le septième et le meilleur, peut-être. L’âpreté du pessimiste s’y est réellement