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Cette vie est un arbre et les fruits sont les hommes,
L’un tombe de soy-mesme et l’autre est abattu.
Il se despouille enfin de feuilles et de pommes,
Avec le mesme temps qui l’en a revestu.

C’est à Pierre Mathieu que j’ai songé en lisant les nombreux petits livres de M. Edmond Thiaudière. Tous les deux sont moralistes, et tous les deux sont pessimistes. Cependant l’un écrit en vers et l’autre en prose. Celui qui écrit en prose n’a pas moins de naïveté que son ancêtre du xviie siècle. Comme lui, il est surpris que l’homme soit égoïste, orgueilleux, avare, sensuel, vain, étourdi, absurde. Il n’a pu se résigner à considérer froidement la vie telle qu’elle est ; il la regarde telle qu’elle devrait être, et il note, avec une certaine colère, les différences qu’il remarque entre la réalité et son idéal. Ce n’est pas le pessimiste heureux de voir que les hommes, par leur conduite, justifient sa philosophie ; c’est le pessimiste qui a cherché pendant trente ans un prétexte honorable pour devenir optimiste et qui n’a pu le trouver.

M. Thiaudière, qui a commencé par être pessimiste, l’est donc resté. Si nous en doutions, chacun de ses livres nous contredirait, car ils portent tous, sans aucune exception, ce sous-titre : Notes d’un