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tour à tour ; quand on a eu sa part c’est fini. » Que nous sommes donc loin du Mérimée de la légende, froid, dur, tout en volonté !

Il ne faut pas cependant le prendre absolument à la lettre, quand il se plaint ainsi de la solitude sentimentale. Il aima jusqu’à la fin de sa vie la société des femmes ; ayant renoncé à leur amour, il s’attacha à leur amitié. On le vit même se laisser aller, comme Balzac, à ces correspondances équivoques, où ni l’un ni l’autre des interlocuteurs n’est ni tout à fait sincère, ni tout à fait mensonger. L’Inconnue, la célèbre et généralement peu mystérieuse inconnue qui apparaît dans l’histoire de tous les écrivains de notre temps, lui écrivit, et Mérimée répondit. Il était fin, mais tendre ; il se laissa prendre au jeu ; il aima et s’il ne fut guère aimé d’amour, il inspira du moins une tendre affection. On jouait avec lui, on posait devant lui, mais on laissait voir aussi un véritable abandon de cœur, et même quelque curiosité féminine. L’inconnue de Mérimée s’appelait Mlle Jenny Dacquin, attachée à Lady Seymour, On dit même que c’est à Lady Seymour que revient l’initiative de cette correspondance, et que c’est elle qui pria Mlle Dacquin d’écrire à Mérimée à propos de la Chronique de Charles IX.