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titieuses. Il savait aussi que les choses singulières plaisaient particulièrement à la personne qu’il voulait charmer. La plupart de ses contes, dit M. Hugues Rebell, « furent écrits pour arracher un compliment et un sourire à des lèvres aimées ». Et quand il eut la certitude que, quoi qu’il fît, il n’y aurait plus pour lui de sourires ni de compliments, il cessa d’écrire. Son talent s’évanouit avec son dernier amour.

Les femmes, assurément, trouveront cela très bien. C’est le pur esprit de la chevalerie, qu’elles regrettent, parce qu’en ce temps-là elles étaient de perpétuelles reines. Mais un artiste ne se pique pas de chevalerie ; il songe à son art et non à sa belle. Mérimée, dit encore fort justement M. Rebell, « avait les bonnes et les mauvaises qualités de l’ancien esprit français. C’était un chevaleresque (le mot, en effet, s’impose), avec ce que cela comporte de générosité, de vénération galante, même un peu folle. Balzac qui, à un certain point de vue, n’eût point, pour conduire sa vie, la volonté de Mérimée, gardait cependant toute sa pensée dans l’amour. Il savait que Mme de Berny n’aimait pas les Contes drolatiques et que Mme Hanska détestait la Vieille fille : cela ne la chagrinait point, ne lui donnait