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pocrisie du scepticisme est l’une des plus répandues et des plus difilcllcs à démasquer.

La vie, cependant, y réussit presque toujours. Le sot finit par s’intéresser au moins à lui-même, à ce moi auquel la durée a donné une certaine importance, comme à ces choses bêtes et laides, mais très anciennes ; le débile, un jour, se fâche, et l’on connaît, par la cause de sa colère, sa tendance secrète ; le lâche a trouvé l’abri d’une coterie, ce qui lui permet de devenir fanfaron ; le prudent se trahit, en faisant enfin porter ses soucis sur un point unique ; le voluptueux se lasse bientôt même de la volupté, et l’on voit que son scepticisme n’était que de la paresse ; satisfait, l’ambitieux n’a plus à cacher son but, puisqu’il le touche.

Reste l’homme aux « diverses contrariétés », qui sera ici, si on le veut bien, M. Jules Lemaître. Voyons par quel mécanisme, de sceptique il devient partisan. On ne peut exercer également diverses aptitudes qu’en partageant entre elles la somme d’activités dont on dispose ; mais ce partage, qui semble facile durant la jeunesse, pendant les années d’accroissement de force, commence à devenir fâcheux le jour où la force n’augmente plus ; il est franchement insupportable dès que, même à un