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muses d’aujourd’hui

L’herbe est froide à mes pieds comme de l’eau qui coule.

Mais toujours ce cri de passion où l’on devine la chair tendue de désir : je voudrais, dit-elle, pouvoir, entre mes bras normands,

Prendre en pleurant ma mer et ma terre natales.

La mer lui figure les gestes devinés de l’amour : elle s’épuise à regarder, à vivre en elle les déhanchements des vagues :

Je veux te quitter lasse ainsi qu’après l’étreinte
La maîtresse s’arrache aux bras trop épuisants…

Je sens, avoue encore cette jeune vierge,

Ta marée envahir tout mon être béant…

Une image se précise ; une sirène se dessine dans le mouvement des flots, la sirène de son perpétuel désir :

Quand pourrai-je sentir ton cœur contre le mien
Battre sous ta poitrine humide de marée
Et fermer mon manteau lourd sur ton corps païen ?