Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
muses d’aujourd’hui

raine, il est nécessaire qu’elle ait été touchée par les lèvres des femmes, que les femmes aient plongé en elle leur visage comme en une rose. Cette vivification a manqué à beaucoup d’œuvres poétiques, d’un art sincère et puissant, pour qu’elles se propagent. Ce sont les femmes qui, parmi les poèmes, choisissent ceux dont l’émotion est adéquate à la sensibilité ambiante : alors, elles s’en font les propagatrices, les vulgarisatrices. Quelques-unes se sont même si parfaitement assimilé la poésie de certains maîtres qu’elles ont, instinctivement, produit des poèmes presque identiques aux leurs. Mais leur art, et ceci est un des caractères de la poésie féminine, sait éliminer ce qui serait trop nouveau pour s’adapter à la sensibilité du public. Par elles, la poésie de Verlaine, de Régnier, de Jammes, sentimentalisée, a pénétré dans la foule. Il ne s’agit pas d’imitation, mais d’une