Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/266

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ah ! ce bras du Romain, quel étonnant modelé !
Tout son torse se boursoufle comme un bandage sur ses
ouates !

Son échine au hasard creuse un sillon potelé
Et la hanche s’exagère pour que la cuisse se déboîte.

Ces statues sur le sol sans piédestal ni gradin
Ont des taches dramatiques, des blancheurs brusques et
funestes,
Et jouent là, sous la treille, un cauchemar de jardin,
Fantastiques de misère par le prestige qui leur reste.

Car la vie est trop proche et les atteint dans leurs nus.
Dans leurs grâces maladroites et leur noblesse si baroque,
Et le lierre en grimpant sur le héros malvenu
Fait plus lourdes et bizarres les élégances de l’époque.

Car le lierre et la courge et chaque été qui s’étale.
Les tomates, l’aubergine, le chat qui passe dans son rêve.
Les fouillis frémissants de l’entrelacs végétal.
Les minutes qui palpitent avec la sève chaude et brève.

Pulsations, éclosions, fils animés, frôlements.
Tout les fixe par contraste, ces statues frustes et faciles.
Dans la pose impossible et l’éternel groupement,
Sous les spectres du treillage qui se transforment et vacillent.
………