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essai de physiologie poétique

n’était pas dissocié de la musique. Je lis ces vers de Sagesse :

Les chères mains qui furent miennes,
Toutes petites, toutes belles,
Après ces méprises mortelles
Et toutes ces choses païennes,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .



Mains en songe, mains sur mon âme,
Sais-je, moi, ce que vous daignâtes,
Parmi ces rumeurs scélérates,
Dire à cette âme qui se pâme ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Leur sens littéral est un peu troublant, mais la musique des mots crée en moi une atmosphère de sentiment ému ; et on comprend que les vrais poètes sont, en effet, comme la perpétuation à travers les siècles de ce premier langage de l’humanité, qui n’exprimait que des états de sensibilité. Alors, la poésie, c’est bien « de la musique avant toute chose » et la signification précise des mots n’a plus qu’une impor-