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cécile sauvage

Mais, davantage encore : elle est toute la nature, et sa poésie sera une vivification de la formule de Schopenhauer : « Le monde est ma représentation. » Une autre pensée pèse sur elle : on est en prison sur la terre ; jamais on ne pourra s’en évader que pour mourir. Elle titube comme une petite mouche, ivre dans l’éther. J’ai rêvé, dit-elle,

J’ai rêvé de saisir la comète à la queue
Et d’approcher Vénus où clignote un feu vert.
Je fuirai sans avoir, sur les monts de la lune,
Cherché parmi les rocs des coquillages morts,
Et, poursuivant son vol pesant et sa fortune,
L’astre s’éloignera jaloux de ses trésors.
Je ne m’asseoirai pas au clos de la Grande Ourse
Dont le lopin d’azur hante mes soirs d’été ;
Comme un cheval lancé dans l’arène à la course
Je tournerai toujours dans mon humanité.

Au bout de cette course, il faudra « rentrer dans la mort comme dans un étui ». Obsédée par cette pensée d’être un petit être éphémère,