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En un poème symbolique, qu’elle intitule Torches éteintes, elle compare sa vie à un festin voluptueux :

Voici la place où ton corps chaud s’est détendu,
Le coussin frais où s’est roulée ta chaude tête,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Tes ongles ont meurtri ma chair, parmi les soies,

Et j’en porte la trace orgueilleuse. Tes fards
S’envolent en poussière, et, sur les lits épars,
Tes voiles oubliés sont témoins de nos joies.

Mais voici l’aube, les lys se sont fanés et les torches sont éteintes. L’aube, ici, c’est l’apparition de la mort, qui hante déjà l’esprit de la poétesse. Amoureuse de sa chair, de sa ligne et de sa grâce, Renée Vivien ne voulait pas survivre à sa beauté. Elle ne vit déjà presque plus dans le présent ; elle se souvient, et pensant aux amies qui embaumèrent sa vie, elle chante :

Je suis reconnaissante et charmée en songeant
A vos longs corps pareils à des cierges d’argent.