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Cet amour du silence et du secret se retrouve dans presque tous les poèmes de Renée Vivien. Elle dit à une amie :

Je t’aime d’être lente et de marcher sans bruit
Et de parler très bas et de haïr le bruit,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et je t’aime surtout d’être pâle et mourante,

Et de gémir avec des sanglots de mourante,
Dans le cruel plaisir qui s’acharne et tourmente !

Quelques-unes des pièces de ce recueil nous disent ce que cette femme a souffert dans sa dignité de femme. Je voudrais citer en entier le Pilori dont la plainte ressemble à une lamentation biblique :

Pendant longtemps, je fus clouée au pilori,
Et des femmes, voyant mes souffrances, ont ri.

Puis, des hommes ont pris dans leurs mains de la boue
Qui vint éclabousser mes tempes et ma joue.

Des pleurs montaient en moi, houleux comme des flots,
Mais mon orgueil m’a fait refouler mes sanglots.