Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La poétesse nous fait ses aveux : on l’avait condamnée aux laideurs masculines ; étant femme elle n’avait pas droit à la beauté.

On m’avait interdit tes cheveux, tes prunelles
Parce que tes cheveux sont longs et pleins d’odeurs
Et parce que tes yeux ont d’étranges ardeurs
Et se troublent ainsi que des ondes rebelles,

dit-elle à son amie ; mais elle osa concevoir « qu’une vierge amoureuse est plus belle qu’un homme » ; et, depuis, loin des hommes, elle cacha son bonheur, « contre les regards durs et les bruits du dehors ».

Les rideaux sont tirés sur l’odorant silence,
Où l’heure au cours égal coule avec nonchalance,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mon existence est comme un voyage accompli…

Tes cheveux sont plus beaux qu’une forêt d’automne…
Ta robe verte a des frissons d’herbes sauvages,
Mon amie, et tes yeux sont pleins de paysages.

Qui viendrait nous troubler, nous qui sommes si loin
Des hommes ? deux enfants oubliés dans un coin ?