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Donne-moi tes baisers amers comme des larmes,
Le soir, quand les oiseaux s’attardent dans leurs vols,
Nos longs accouplements sans amour ont les charmes
Des rapines, l’attrait farouche des viols.
Tes yeux ont reflété la splendeur de l’orage…
Exhale ton mépris jusqu’en ta pâmoison.
Ô très chère ! — Ouvre-moi tes lèvres avec rage :
J’en boirai lentement le fiel et le poison.
J’ai l’émoi du pilleur devant un butin rare
Pendant la nuit de fièvre où ton regard pâlit…
L’âme des conquérants, éclatante et barbare,
Chante dans mon triomphe au sortir de ton lit !

On serait tenté de qualifier cette poésie d’artificielle ; mais on devine que c’est avec sincérité que la poétesse s’est suggestionnée cette perversité, qui donne une valeur à ses sensations. Elle en arrive à une acuité de lamentation qui est belle :

Et le sanglot aigu pareil à la détresse.

Pourquoi cette détresse ? que cherche donc cette femme, au-delà de l’accord parfait des