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muses d’aujourd’hui

guet : elle a le don de nous rendre sensibles, palpables, des impressions odorales qui nous semblaient insaisissables. Pourtant oui, ces vers réveillent en moi les odeurs des soirs d’été.

La corde déroulée au puits vert de bardane,
Un cliquetis léger, le seau qu’on détachait,
Puis rien, absolument qu’un parfum qui s’émane
De l’onde remuée où la nuit sommeillait.

. . . . . . . . . . . . . . .


Rien, la saveur au loin d’une rose qui dresse
Sa blancheur de lait pur quelque part sous les cieux
Et qui touche le cœur comme une main caresse,
Comme un triste baiser se posant sur les yeux.

Voici encore la Grange, baignée de cette atmosphère de silence faite de mille petits bruits qui dorment. Dans cette grange à « l’aire de velours », sont amassées les odeurs séchées des prés, la fraîcheur des aubes, les tiédeurs parfumées de l’été. Cette grange est comme un temple, un refuge.