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muses d’aujourd’hui

Et mon sang a teinté les roses campanules,
Pendant que de la sève en moi se coagule.
Je parle avec l’écho et vogue à l’unisson
Des traînantes rumeurs que le bois dissimule,
Et je m’épanouis aux primes floraisons.

Il y a, dans ces vers, le besoin de ressusciter, par le rythme des mots, l’émotion ressentie devant les paysages :

Je m’assoierai près du silence
Au pied vermoulu d’un érable,
Pour entendre chanter la stance
Muette de l’insaisissable
Et pourvu que mon cœur s’émeuve
Qu’importe si, fuyante trace,
Le verbe obscur où je m’abreuve
Se dissout sans nom dans l’espace.

Voici deux strophes qui nous évoquent le soir, entrant en nous, se faisant nous :

Le jour tombe, le jour trébuche,
Comme un vieux mendiant à besace,
Par les sentiers noirs pleins d’embûches.
Le jour tout éclopé se casse.