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LES ENFANTS



Je ne sais plus où, on critiquait l’autre jour la manière trop réaliste dont on traite les enfants dans la littérature contemporaine. On les représente trop au naturel et ce naturel même, on l’exagère et à force de l’admirer on lui donne l’importance d’un phénomène. Je crois pour ma part que si les enfants ne nous comprennent guère, nous ne les comprenons pas davantage. L’image que nous nous faisons d’eux est nécessairement fausse. D’un homme à un enfant, il n’y a pas de communication possible. Les seules relations naturelles et logiques qu’il puisse avoir, c’est avec les autres enfants et aussi avec le monde hallucinatoire parmi lequel il vit presque constamment. Ceux qui en font de petits hommes, de petites femmes, se trompent. Ce ne sont pas non plus de petites merveilles. Les choses drôles qu’ils peuvent dire ne le sont que parce que le sens vrai nous en échappe. Les enfants se font rire quelquefois les uns les autres, ils ne s’étonnent jamais au sens où nous sommes