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ÉMILE OLLIVIER



Émile Ollivier fut peut-être le plus bel exemple que l’on connaisse de la fatuité humaine, de la fatuité convaincue, persévérante, acharnée. Il se croyait un grand homme, et en plusieurs genres : d’abord grand homme d’État, puis grand historien, grand écrivain, grand orateur. N’a-t-il point voulu se faire inhumer dans un rocher qui domine la mer. Évidemment il se voyait un second exemplaire, mais revu, corrigé et augmenté, de Chateaubriand. On dit cependant qu’une de ses prétentions était à demi justifiée : il avait une éloquence méditerranéenne. Soit. Je n’ai pas été à même de l’entendre, mais l’éloquence, même divine, jointe à un esprit aussi faux, aussi péniblement vaniteux, c’est peut-être un don bien déplorable. Mais cette fameuse éloquence qui dut se taire si longtemps, elle devait surtout être de la nature de ses écritures, je veux dire intarissable, infatuée et entêtée. Il n’a vu qu’une chose dans la vie, lui-même, l’importance de lui-même. Les