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les idées. Mais ils manquent de méthode et se fatiguent aussi vite qu’ils se sont enthousiasmés. De désillusion en désillusion, ils sombrent dans le découragement final. Leur supériorité est d’avoir gardé, malgré le manquement de chacun de leurs essais, assez de jeunesse d’esprit pour recommencer toujours, autres Sisyphes, à mettre en mouvement la pierre dont ils ne savent pas qu’elle retombera sur leurs talons. Le merveilleux courage des deux bonshommes est celui de l’humanité elle-même, dont, qu’il l’ait voulu ou non, Flaubert a résumé l’histoire en quelques pages d’un roman enjoué, amusant, au fond amer. C’est une œuvre telle qu’il n’y en a pas une seconde, même Don Quichotte, qui puisse lui être comparée. Elle aura probablement le même destin de voir, au cours des siècles, sa signification retournée. Déjà, je doute si Bouvard, si Pécuchet ne sont pas des héros de l’intelligence, submergés à la fin par les flots de la bêtise, qui les engloutissent.


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