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BOUVARD ET PÉCUCHET



On vient de donner une bonne édition de ce livre, dont est mort Flaubert, avec un choix des matériaux de tout genre qu’il avait accumulés pour le construire. Cela m’a été l’occasion de le relire pour la dixième ou la douzième fois. Je l’ai peut-être un peu mieux compris, peut-être moins bien, je ne sais pas. La correspondance, ainsi que les documents réunis en appendice, ne laissent aucun doute sur les intentions de Flaubert : il a poursuivi la bêtise humaine jusqu’en ses profondeurs. Ses deux bonshommes sont des imbéciles, mais d’une qualité tellement supérieure qu’il n’est pas fréquent de rencontrer des hommes plus intelligents. En fait, quoique éternellement vaincus, ils dominent tout leur entourage et en ont conscience. Tandis que la plupart des hommes ne s’intéressent à rien ou ne s’intéressent, en dehors d’eux-mêmes, qu’à une seule chose, leur curiosité s’étend à tout, se passionne successivement pour toutes les expériences et toutes