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religions, ces contes métaphysiques ? L’ennemi des contes, l’ennemi de la fantaisie celtique dont ils sont l’incarnation, c’est l’esprit latin, l’esprit juridique, esprit étroit et borné qui s’est, depuis tant de siècles, appesanti sur la fantaisie, sur les jeux du hasard et de l’imagination où se complaisent les Bretons de France et d’Angleterre. Le Romain ignorait les contes ou les méprisait. Le Satyricon de Pétrone n’est qu’un recueil de satires et de sarcasmes où la partie imaginative est d’origine grecque. Apulée, de naissance africaine, d’éducation grecque et orientale, n’est Romain que par le langage et, en dehors de ces deux livres, romanesques à différents degrés, la littérature latine n’offre rien de valable, et les contes des Latins modernes oscillent du scatologique au libidineux. L’on comprend très bien que l’esprit latin, si dépourvu de fantaisie aérienne ait cherché à en extirper toutes les racines de l’imagination des enfants. Étudiez la langue latine qui a des mérites synthétiques, mais prenez garde à la tyrannie de l’esprit latin, qui n’est bon qu’à doses modérées pour l’esprit celtique de caprice et de liberté.


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