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des choses de tous les jours, et vraiment c’est reposant. Les mœurs générales, sur lesquelles les journaux nous trompent, car ils ne peuvent noter que l’exceptionnel, apparaissent soudain, débarrassées de la vision des reporters et des agences d’information, ce qu’elles sont vraiment, des mœurs de gens depuis longtemps civilisés, qui ne songent qu’à travailler et à jouir paisiblement de leurs travaux. La vieille province, à l’abri de son calme et de son honnêteté, ne frémit jamais qu’aux nouvelles qui lui viennent de Paris dans un état extrême de concentration et de grossissement. Il ne se passe chez elle rien qui puisse l’émouvoir, sinon à des intervalles très éloignés et qui laissent à la sensibilité le temps de se reposer et de reprendre son aplomb. Si les journaux locaux voulaient s’en tenir aux méfaits de la région, ils seraient vides et la colonne des tribunaux s’enrichirait lentement d’une rixe ou d’un vol de lapins. On a vu, en d’heureuses régions, les cours d’assises chômer pendant plusieurs sessions et les juges civils même manquer de procès. Mais Paris est là et on pêche dans son répertoire pour n’avoir pas l’air trop honnête ! Car l’honnêteté et la