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L’HONNÊTE PROVINCE



Tous les vols, tous les crimes, toutes les tragédies qui affligent l’humanité semblent se concentrer à Paris, où les journaux croient de leur devoir d’en tenir un répertoire fort exact et fort déplorable. Il est certain que les faits-divers trop complets de la presse moderne donnent un triste tableau de la société, quand on ne réfléchit pas que ce tableau est formé de morceaux patiemment rapportés et assemblés, quand on ne se rend pas compte que, sans les journaux, la plupart, pour ne pas dire la totalité de ces méfaits, nous demeureraient inconnus, et que nous pourrions, au contraire, nous faire assez facilement l’idée que nous vivons en un siècle de particulière honnêteté, de spéciale douceur. Cette idée consolante, on la possède quand on consent à gagner pour quelque temps la province, surtout certaines provinces, et à n’y plus lire, du moins pour quelque temps, les feuilles. On éprouve alors la sensation qu’enfin il ne se passe plus rien dans le monde, en dehors