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jouissent en toute tranquillité du mouvement des promeneurs qui passent devant eux sans les voir. Parmi ces buveurs, il y a beaucoup d’amoureux, je crois même que c’est en leur honneur qu’on use de tant de discrétion. J’ai vu encore bien d’autres traits curieux, par exemple des églises où on faisait la queue comme au théâtre, les derniers fidèles arrivés s’agenouillant tranquillement sur les trottoirs ! C’est un pays de liberté. Chacun fait ce qui lui plaît, pourvu qu’il le fasse sans bruit et sans dommage pour les autres. C’est un pays de douceur et il n’est pas jusqu’à l’air qui n’y prenne, surtout en automne, des qualités uniques de charme et de transparence, remplacés, quand tombe le soir, par la majesté éclatante et tumultueuse de couchers de soleil comme on n’en voit que dans les pays humides, par des féeries telles que mon œil les voit encore. On parle toujours des Musées de la Hollande. Ils sont beaux sans doute et Rembrandt est impressionnant, mais l’atmosphère de soie, mais les couchers de soleil de pourpre et d’or, le long des digues du Helder, où bat sourdement la mer domptée, quel musée est comparable à celui-là ?


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