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aient la moindre influence sur le type immuable. Les auteurs n’ont qu’une préoccupation, garder les convenances, ne pas choquer par la moindre allusion, par la plus opaque, la pudeur de leurs lecteurs, et l’on sait qu’elle va loin. Il faut, pour bien faire, pour qu’il atteigne la perfection, qu’un héros et surtout une héroïne n’ait de sexe d’aucun genre. Ce sont de purs esprits. Notez que c’est de l’hypocrisie pure. Les mœurs sont tout aussi libres et familières, sinon davantage, en Angleterre qu’en tout autre pays. L’Anglais se résoudrait-il donc à ne jamais lire de romans qui soient conformes à ses mœurs, qui les peignent avec vérité, telles qu’il les voit, telles qu’il y participe. Nullement. Il y a en Angleterre un commerce fort prospère de livres érotiques, commerce à peine dissimulé. Et j’ose dire que cette littérature, je la connais un peu, est fort supérieure à la littérature analogue des autres pays. L’Anglais, qui se cache pour boire, se cache aussi pour lire. Tout s’explique.


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