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LA JEUNE ÉCLIPSE



C’est une histoire vraie ou fausse. Je la crois plutôt de l’invention d’un homme d’esprit. N’importe, elle est amusante. Et puis elle suggère quelques réflexions. Donc, le jour ou le lendemain de l’éclipse, un brave homme présente à la mairie une petite fille à laquelle il prétend donner comme nom Éclipse. On lui objecte que ce nom ne figure pas au calendrier. Mais il en sort un de sa poche et pointe : 17 avril. Éclipse. Je ne crois pas tout de même qu’il ait eu gain de cause. Pourtant ? En quoi cette fantaisie était-elle subversive, contraire aux lois et à la morale ? Pourquoi ne pourrait-on donner à un enfant qu’un nom de saint ou sainte, et cela dans un pays où on ignore officiellement l’existence aléatoire de ces vénérables personnages ? On peut nommer un enfant Polycarpe. En quoi est-ce moins ridicule qu’Éclipse ? On ne connaît qu’un abrégé du calendrier romain, mais il est d’une richesse folle en noms baroques. Polycarpe n’est pas extrêmement étonnant. Il est