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Il n’est pas seulement attendri ; il est tendre, et que de passion, et que de sensualité, mais si délicate !


Tu marchais chaste dans la robe de ton âme,
Que le désir suivait comme un faune dompté,
Je respirais parmi le soir, ô pureté,
Mon rêve enveloppé dans tes voiles de femme.


Sensualité délicate, c’est bien l’impression que donneraient ses vers s’il les avait tous conformés à sa poétique, où il rêve


De vers blonds où le sens fluide se délie
Comme sous l’eau la chevelure d’Ophélie,

De vers silencieux, et sans rythme et sans trame,
Où la rime sans bruit glisse comme une rame,

De vers d’une ancienne étoffe exténuée,
Impalpable comme le son et la nuée,

De vers de soirs d’automne ensorcelant les heures
Au rite féminin des syllabes mineures,

De vers de soirs d’amours énervés de verveine,
Où l’âme sente, exquise, une caresse à peine…


Mais, ce poète qui n’aimerait que la nuance, la nuance verlainienne, a pu, certains jours, être un violent coloriste ou un vigoureux tailleur de marbre. Cet autre Samain, plus ancien et non