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sont retenues par un fil, parfois invisible, mais toujours solide ; ainsi, ces quelques vers :


L’Aube fut si pâle hier
Sur les doux prés et sur les prêles,
Qu’au matin clair
Un enfant vint parmi les herbes.
Penchant sur elles
Ses mains pures qui y cueillaient des asphodèles.

Midi fut lourd d’orage et morne de soleil
Au jardin mort de gloire en son sommeil
Léthargique de fleurs et d’arbres,
L’eau était dure à l’œil comme du marbre,
Le marbre tiède et clair comme de l’eau,
Et l’enfant qui vint était beau,
Vétu de pourpre et lauré d’or,
Et longtemps on voyait de tige en tige encor,
Une à une, saigner les pivoines leur sang
De pétales au passage du bel Enfant.

L’Enfant qui vint ce soir était nu,
Il cueillait des roses dans l’ombre,
Il sanglotait d’être venu,
Il reculait devant son ombre,
C’est en lui nu
Que mon Destin s’est reconnu.


Simple épisode d’un plus long poème, lui-même fragment d’un livre, ce petit triptyque a plusieurs significations et dit des choses différentes