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car c’est la nature et l’essence même de M. Verhaeren d’être le poète halluciné. « Les sensations, disait Taine, sont des hallucinations vraies », mais où commence la vérité et où finit-elle ? Qui oserait la circonscrire ? Le poète, qui n’a pas de scrupules psychologiques, ne s’attarde pas au soin de partager les hallucinations en vraies et en fausses ; pour lui, elles sont toutes vraies, si elles sont aiguës ou fortes, et il les raconte avec ingénuité, — et quand le récit est fait par M. Verhaeren, il est très beau. La beauté en art est un résultat relatif et qui s’obtient par le mélange d’éléments très divers, souvent les plus inattendus. De ces éléments, un seul est stable et permanent ; il doit se retrouver dans toutes les combinaisons : c’est la nouveauté. Il faut qu’une œuvre d’art soit nouvelle, et on la reconnaît nouvelle tout simplement à ceci qu’elle vous donne une sensation non encore éprouvée.

Si elle ne donne pas cela, une œuvre, quelque parfaite qu’on la juge, est tout ce qu’il y a de pire et de méprisable ; elle est inutile et laide, puisque rien n’est plus absolument utile que la beauté. Chez M. Verhaeren, la beauté est faite