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sourit au jeu des petits chiens sur un tapis ». Elle est grave, mais elle est vraie si l’on songe à ce peu de chose qu’est un fait et comment un fait se produit et comment nous sommes entraînés par la chaîne sans fin de l’Action et combien peu nous participons réellement à nos actes les plus décisifs et les mieux motivés. Une telle morale, laissant aux misérables lois humaines le soin des jugements inutiles, arrache à la vie l’essence même de la vie et la transporte en des régions supérieures où elle fructifie à l’abri des contingences, et des plus humiliantes, qui sont les contingences sociales. La morale mystique ignore donc toute œuvre qui n’est point marquée à la fois du double sceau humain et divin ; aussi fut-elle toujours redoutée des clergés et des magistratures, car niant toute hiérarchie d’apparence, elle nie, au moins par abstention, tout l’ordre social : un mystique peut consentir à tous les esclavages, mais non à celui d’être un citoyen. M. Maeterlinck voit venir des temps où les hommes se comprendront d’âme à âme, comme les mystiques se comprennent d’âme à Dieu. Est-ce vrai ? Les hommes seront-ils un jour des hom-