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enivrés, de l’odeur de nouveau qui sortait des pâles petites pages !

Le dernier recueil de M. Kahn, la Pluie et le Beau temps, n’a pas modifié l’opinion que l’on a de son talent et de son originalité : il y demeure égal à lui-même avec ses deux tendances, ici moins bien d’accord, au sentiment et au pittoresque, très visibles si l’on compare avec Image, si dolent cantique,


Ô Jésus couronné de ronces,
Qui saigne en tous cœurs meurtris,


le Dialogue de Zélande,


Bonjour mynher, bonjour myffrau,


joli et doux comme telle vieille estampe d’almanach. Voici, dans le ton moyen, un lied qui est vraiment sans défaut :


L’heure du nuage blanc s’est fondue sur la plaine
En reflets de sang, en flocons de laine,
Ô bruyères roses, ô ciel couleur de sang.

L’heure du nuage d’or a pâli sur la plaine,
Et tombent des voiles lents et longs de blanche laine,
Ô bruyères mauves — ô ciel couleur de sang.

L’heure du nuage d’or a crevé sur la plaine,
Les roseaux chantaient doux sous le vent de haine,
Ô bruyères rouges — ô ciel couleur de sang.