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Dilectus meus descendit in hortum… mais ici le poète, aussi chaste, est moins sensuel : l’oriental a revêtu comme un surplis une âme d’Occident, et s’il cultive encore des lys dans son jardin clos, des grands lys blancs, il s’est instruit au plaisir de s’en aller, par de secrets sentiers connus des fées « qui rient sans bruit dans la forêt », cueillir les liserons, les genêts,


Et les fleurettes aventurières le long des haies.


Ce poème de xxiv feuillets est sans doute le plus délicieux livret de vers d’amour qui nous fut donné depuis les Fêtes Galantes et avec les Chansons d’amant les seuls vers peut-être de ces dernières années où le sentiment ose s’avouer en toute candeur, avec la grâce parfaite et touchante de la divine sincérité. S’il reste encore, en quelques-unes des pages, un peu de rhétorique, c’est que M. Kahn, même aux pieds de la Sulamite, n’a pas renoncé à nous surprendre par une adresse toujours neuve de jongleur et de virtuose, et s’il traite parfois la langue française en tyran, c’est qu’elle a toujours eu pour lui des complaisances d’esclave. Il abuse un peu de son pouvoir, donnant à tels mots des