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verso suelto des nouvelles écoles et que seuls n’admettent pas encore les sénateurs de l’art. Le vers libre, qui favorise les talents originaux et qui est l’écueil des autres, devait séduire un poète aussi bien doué et une intelligence aussi novatrice ; voici comment il le comprend :


Venez avec des couronnes de primevères dans vos mains
Ô fillettes qui pleurez la sœur morte à l’aurore.
Les cloches de la vallée sonnent la fin d’un sort,
l’on voit luire des pelles au soleil du matin.

Venez avec des corbeilles de violettes, ô fillettes
Qui hésitez un peu dans le chemin des hêtres,
Par crainte des paroles solennelles du prêtre.
Venez, le ciel est tour sonore d’invisibles alouettes…

C’est la fête de la mort, et l’on dirait dimanche,
Tant les cloches sonnent, douces au fond de la vallée ;
Les garçons se sont cachés dans les petites allées ;
Vous seules devez prier au pied de la tombe blanche…

Quelque année, les garçons qui se cachent aujourd’hui
Viendront vous dire à toutes la douce douleur d’aimer,
Et l’on vous entendra, autour du mât de mai,
Chanter des rondes d’enfance pour saluer la nuit.


M. Stuart Merrill ne s’est pas embarqué en vain, le jour qu’il voulut traverser les Atlantiques, pour venir courtiser la fière poésie française et lui planter une fleur dans les cheveux.