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adolescent de génie qui eût voulu encore poser sur les genoux de sa mère son « front équatorial, serre d’anomalies » ; — mais beaucoup ont la beauté des topazes flambées, la mélancolie des opales, la fraîcheur des pierres de lune, et telles pages, celle qui commence ainsi :


Noire bise, averse glapissante
Et fleuve noir, et maisons closes…


ont la grâce triste, mais tout de même consolante, des aveux éternels : l’éternellement la même chose, Laforgue la redit en tel mode qu’elle semble rêvée et avouée pour la première fois[1]. Et je songe que ce qu’il faut demander aux traducteurs du rêve c’est, non pas de vouloir fixer pour toujours la fugacité d’une pensée ou d’un air, mais de chanter la chanson de l’heure présente avec tant de force candide qu’elle soit la seule que nous entendions, la seule que nous puissions comprendre. Il faudrait peut-être, à la fin, devenir raisonnables, nous réjouir du présent et des fleurs nou-

  1. On lira avec plaisir sur Jules Laforgue l’étude éloquente et de si profonde sympathie écrite récemment par M. Camille Mauclair.