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plutôt incapacité de nature à se penser soi-même, à prendre conscience de soi en son propre cerveau et non dans les yeux et sur les lèvres d’autrui ; même quand elles écrivent ingénuement pour elles-mêmes en de petits cahiers secrets, les femmes pensent au dieu inconnu qui lit — peut-être — par dessus leur épaule. Avec une semblable nature il faudrait à une femme, pour se mettre au premier rang des hommes, un génie plus haut que le génie même des hommes les plus surélevés : c’est pourquoi si les œuvres marquantes des hommes sont assez souvent supérieures à l’homme, les œuvres les plus belles des femmes sont toujours inférieures à la valeur de la femme qui les a produites.

L’incapacité n’est pas personnelle ; elle est générique et absolue. Il faudrait donc comparer les femmes entre elles, exclusivement, les juger comme des femmes et ne pas les mépriser pour ce qui leur manque d’égoïsme ou de personnalité : ce défaut, hors de la littérature et de l’art, est généralement estimé à l’égal d’une vertu positive.

Qu’elles essaient leurs grâces dans la perversité ou dans la candeur, les femmes réussiront