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partient qu’à Dieu, tu m’as en partie consolé, mais ma raison chancelante s’abîme devant tant de grandeur… Replie tes blanches ailes et ne regarde pas en haut avec des paupières inquiètes… » Le crapaud s’assit sur les cuisses de derrière (qui ressemblent tant à celles de l’homme) et, pendant que les limaces, les cloportes et les limaçons s’enfuyaient à la vue de leur ennemi mortel, prit la parole en ces termes : « Maldoror, écoute-moi. Remarque ma figure, calme comme un miroir… je ne suis qu’un simple habitant des roseaux, c’est vrai, mais grâce à ton propre contact, ne prenant que ce qu’il y a de beau en toi, ma raison s’est agrandie et je puis te parler… Moi je préférerais avoir les paupières collées, mon corps manquant des jambes et des bras, avoir assassiné un homme, que ne pas être toi ! Parce que je te hais !… Adieu donc, n’espère plus retrouver le crapaud sur ton passage. Tu as été la cause de ma mort. Moi, je pars pour l’éternité, afin d’implorer ton pardon. »

Les aliénistes, s’ils avaient étudié ce livre, auraient désigné l’auteur parmi les persécutés ambitieux : il ne voit dans le monde que lui et Dieu, — et Dieu le gêne. Mais on peut aussi